La lune ronde est lumineuse dans le ciel, parée de ses sublimes étoiles. Si Catherine adorait autrefois les contempler, cette nuit là elle est bien trop occupée pour se poster devant sa fenêtre. La pleine lune condamne les loups, de ce qu'elle considère sa meute et sa famille, à se terrer dans les cellules du manoir. C'est son pouvoir qui permet aux grilles de rester fermées, elle doit donc se donner corps et âme pour sa tâche.
Son corps frêle est allongé dans son lit, branché aux machines qui l'aide a respirer. Si l'esprit et la magie de Catherine sont en vie, plus que jamais, son corps lui s'affaiblit à cause de son âge avancé. Les yeux fermés, elle laisse son esprit virevolter à travers le vent pour surveiller son île. Son attention est toutefois d'avantage tournée vers le chalet, dont la vision fait remonter de nombreux souvenirs. Justine est sortit et a trouvé l'entrée du sous sol dans lequel la forme lupine déchainée d'Elijah est enfermé. Pourtant, Catherine ne fait rien pour l'empêcher d'y entrer, elle ne fait que la suivre dans l'ombre des cachots. Son cœur se serre alors qu'elle observe la scène et sa petite fille apeurée. Elle doit pourtant apprendre. Elle doit savoir ce qu'est Elijah, et elle doit savoir l'écouter, lui faire confiance. Evidemment, Catherine empêche le loup de briser la grille, protégeant ainsi Justine et tout le reste de l'île. Avant de la suivre au dehors, à travers la forêt.

Justine panique, Catherine le sent. Elle sent la magie sombre se déchaîner autour d'elle mais elle ne peut pas dégénérer ici, pas maintenant. Alors, elle fait se lever le vent à travers les arbres, entourant Justine en un tourbillon de feuilles qui semblent s'illuminer alors que les rayons de la lune les lèchent. Elle attire son attention en chassant les ombres, afin de la guider jusqu'au manoir. Jusqu'à sa chambre. Jusqu'à elle.

Ses yeux d'un bleu gris s'ouvrent en même temps que la porte alors que Justine apparaît. La lampe de chevet est allumée et le silence qui règne en maître dans la chambre est percé par les bips incessant des machines. Étonnement, et alors que ca devrait plutôt sentir l’hôpital, un parfum boisé est agréablement dispersé dans l'air. Les lèvres fines de Catherine s'étirent en un doux sourire. Ravie de revoir sa chère petite fille.
Dit elle, avec la voix tendre et faiblarde d'une vieille dame.

Justine
Justine s'est perdue dans la forêt. Les larmes ont arrêté de couler sur ses joues, laissant des traînées claires sur son visage. Son coeur s'est calmé mais pas son esprit. Elle a peur et ses muscles tremblent, tendus par la panique et l'effort qu'elle leur a demandé. Elle a envie de laisser la place aux ombres, pour qu'elle oublie ce qu'elle a vu. Un loup, sauvage, agressif. La forme lupine d'un homme qu'elle côtoyait et que pouvait la tuer, incapable de garder le contrôle. Un homme en qui elle devait avoir confiance alors qu’il pouvait lui arracher la tête d’un simple geste. Le regard de Justine se porte jusqu'à la lune ronde dans le ciel. La sorcière inspire puis expire, pour faire disparaître la crise qu'elle sent naître dans sa poitrine.

Le vent se lève autour d’elle, faisant hurler les feuilles des arbres. La sorcière déglutie, serrant ses bras autour de sa poitrine. Mais le vent semble vouloir la guider, faisant disparaître les yeux qui la fixaient dans l'ombre. Les éléments ne peuvent avoir une volonté propre mais Justine essaye d'oublier tout ce dont elle est certaine. La magie est puissante sur l’ile, encore sous l'influence de Catherine. Et si c'était la sorcière qui l'appelait ? Et si son ainée refusait les mots d’Elijah, la faisant venir à ses côtés ?

De toute manière, Justine n'a rien à perdre. Elle suit le chemin que le vent dévoile, s'arrêtant dans des clairières bercées par la lune. La nature est magnifique, prenant une teinte argentée presque rassurante pour la sorcière. Cette dernière ne reste pas longtemps immobile, sentant déjà le froid qui perce ses vêtements. Les feuilles qui volent autour d’elle la guide à travers la forêt, jusqu’à sortir de cette dernière et tomber sur un manoir gothique. Il semble ancien, avec ses balcons en fer forgé et ses immenses fenêtres en voute. Comme doté d’une raison propre, il appelle la jeune sorcière. Le cœur de Justine bat violement dans sa poitrine. Elle a déjà vu cet endroit, dans une mémoire qu’elle a oublié. Elle est déjà venue ici, en rêve ou en souvenir. Le lieu ne lui est pas inconnu.

Elle entre, sentant l’invitation de Catherine au plus profond de son être. La sorcière doit être ici, dans une des chambres de l’étage. Justine pénètre dans le manoir et reste muette quelques minutes devant la beauté du hall. Des portraits tapissent les murs, des dizaines de visage de femme, toutes plus belles les unes que les autres. Et sur le dernier, il y a celui de la femme du rêve de Justine, de sa mère. Ses traits semblent si paisibles et la sorcière ne peut s’empêcher de se rapprocher du tableau. Sa mère… Cette femme qu’elle n’a jamais connue. Elle retrouve son visage dans celui de celle qui a défendu l’île de l’Aurore. Elles ont les mêmes yeux clairs, les mêmes sourcils trop épais qui ont fait complexer Justine pendant tant d’année.

La jeune femme n’a pas le temps de s’attarder sur le tableau, ni sur les autres. Mais au plus profond d’elle, elle sait qu’ils représentent ses ancêtres, jusqu’à la première disciple d’Isolda. Une lignée de sorcière dont elle est la descendante, la dernière capable de posséder un pouvoir qui la dépasse. Catherine l’appelle et Justine monte les escaliers, suivant son instinct pour se guider jusqu’à la chambre de l’ancienne sorcière. Prenant une profonde inspiration, Justine ouvre la porte.

Catherine est là, couchée dans un lit d’hôpital, des centaines de fils reliant son corps à des machines bruyantes. Le cœur de la sorcière se serre. La vieille femme est mourante et pourtant, dans ses yeux gris, brille une lueur pleine de vie. Elle lui sourit, heureuse de la voir et Justine lui rend.

« Approche. » Dit alors Catherine, de la voix un peu frêle d’une personnage âgée.

Justine s’exécute, le cœur battant à tout rompre. C’est son destin qui repose dans le lit qui lui fait face. C’est les réponses à ses questions, c’est la douloureuse impression que tout est prévue pour qu’elle vienne jusqu’ici. Peu importe. Catherine connait toutes les interrogations de la jeune sorcière et Catherine est capable de lui apporter toutes les explications qu’elle désire.

Les larmes emplissent les yeux de Justine alors qu’elle s’installe aux côtés de la vieille femme. Son regard se pose sur Catherine, auréolée de la lumière de la lune. Elle devait être belle lorsqu’elle était encore jeune. Sa peau n’est que très peu marquée par l’âge et ses yeux gris pétillent encore de vie. Ses longs cheveux toujours blonds entourent son visage, comme un cocon protecteur.

La jeune sorcière ne parvient à parler, la gorge serrée par l’appréhension. Son regard est brulant de questions et de larmes qui refusent de s’évader sur ses joues. Mais elle ne dit rien et le silence est seulement rompu par le bruit des machines.

Les yeux doux de Catherine l'observent alors que Justine s'installe prêt d'elle. Sa main frêle se lève pour permettre à ses doigts de frôler sa joue, séchant sa peau du reste des larmes qui ont trop coulés à son gout. Elle ne cesse de sourire, ampli d'émotions.


Sa main délaisse sa joue pour attraper celle de Justine, comme si elle ne souhaite désormais plus la lâcher.


Catherine a rapidement capté l'appréhension de la jeune femme. Elle a la réponse à sa question mais elle semble vouloir l'entendre de vive voix.

Sa main délaisse sa joue pour attraper celle de la jeune femme. Sa peau est parcheminée mais douce. L’amour qui brille dans ses yeux brise le cœur de Justine et cette dernière entoure de ses longs doigts la main de la vieille femme.

-De quoi a tu peur ma chérie ? Demande-t-elle.

-De tous… Je ne sais pas ce que je dois faire, qui je suis, pourquoi je suis là. Je ne comprends rien. Je suis totalement perdue, avec des pouvoirs qui sont là. Mais pourquoi ? Je n’ai rien demandé à personne. J’ai rien à voir avec toutes ses histoires.

Catherine la regarde avec toute la tendresse qu'elle peut lui offrir.


Son pousse caresse le dos de sa main, comme pour l'apaiser. Elle n'est plus seule, elle doit le comprendre désormais. Elle ajoute.

Si il y a bien une chose que j'ai comprise en toute mes années de vie, c'est qu'il faut répondre à une seule question à la fois. Tu est là, parce que ton cœur t'a guidé jusqu'ici. A tu déjà véritablement écouté ton cœur Justine?

Justine baisse les yeux devant les paroles de la vieille femme. Elle est incapable de répondre à la question car elle sait parfaitement qu'elle ne l'a pas fait et qu'elle ne le fera pas. Ses sentiments sont incompréhensibles et ils lui soufflent des mots qu'elle ne veut entendre.

Lui seul détient de nombreuses réponses, tu dois apprendre à lui faire confiance. A te faire confiance.
-Mon coeur ne réfléchit pas. Il n'est qu'un traitre. Et quand il dirige, les ombres qui se sont cachées reviennent. Elles tuent, même des gens que j'aime.

Le visage de Catherine s'attriste, se recouvrant d'un voile de reproches. Ses doigts se resserrent doucement sur sa main tandis qu'elle détourne les yeux.

Dit elle avant de s'interrompre, ne voulant guère révéler la suite de ses paroles, et de souffler.

Elle la regarde à nouveau et lui sourit, se voulant rassurante.


Elle lâche sa main avant de se redresser un peu et difficilement afin de se tourner vers sa table de chevet. Elle ouvre le tiroir et y sort un petit coffret de bois d'acajou gravé de splendides motifs. Elle le donne à Justine. A l’intérieur se trouve un pendentif.

Le visage de la vieille femme s'attriste devant les réactions de Justine et sa voix gonflée de larmes. La sorcière a peur, n'importe qui pourra le voir et son ainée plus encore.

Ton cœur ne réussira jamais à diriger ces ombres si tu le vois ainsi, Justine. Il n'est pas aussi sombre que tu le prétend. Ma pauvre chérie, tout est de ma faute. J'ai pensé que la magie violette te serais plus utile que celle de la vie. Et j'avais besoin d'elle pour...

Catherine interompt ses paroles et le regard intérogatif que lui offre Justine n'obtient aucune réponse. Il y a des choses que la jeune femme ne peut s'avoir. Mais elle veut les comprendre. Pourquoi lui avoir donné une magie qu'elle ne maîtrise pas et surtout, une magie si dangereuse, capable d'oter la vie avec facilité ? Justine a du caractère et elle sait pertienement qu'elle doit ça àdes ancêtres qu'elle n'a pas connu plutôt qu'à une quelconque éducation.
La vielle femme la coupe pourtant dans ses pensées, ne la laissant réfléchir une seconde de plus :

Bientôt tout sera plus claire, je te le promet. En attendant, j'ai quelque chose à te donner. Ça t'aidera peut être.

Un sourire étire les lèvres de la sorcière à la suite de ses paroles. Avec difficulté, cette dernière se redresse et sa main glisse le long de la table de chevet. Justine voudrait l'aider mais elle ne sait que faire, ne sait comment réagir. Ici, elle ne connait rien et a tout à apprendre.

Catherine sort un coffret grâvé de splendides motifs mystérieux, dont la signification échappe à la plus jeune . Catherine lui tend et Justine l'ouvre, faisant appartaitre un magnifique pendentif, orné d'une pierre orange ui semble briller d'un vie propre. Elle a déjà vu ce médaillon. Au cou d'une femme , dans l'un de ses rêves. Ses doigts glissent sur la pierre avant de sortir le pendentif de son écrin. Sa chaleur la surprend. Comme s'il avait été porté et venait d'être déposé dans le coffret.

Ce pendentif appartient à notre famille depuis la nuit des temps. Ma mère me l'a légué, sa mère avant elle et ainsi de suite. Isolda l'a offert à ta plus ancienne ancêtre, Adelaïde. Il est à toi désormais. On dit que son enchantement se réveillera lorsque l'héritière possédera la totalité de son pouvoir, et qu'il l'aidera dans sa quête.
-C'est moi l'héritière... ? murmure Justine, en une question purement rhétorique. J'ai vu Elisabeth le porter il y a des années. Elle voulait tuer un vampire avec l'aide de ce collier.... Tout comme je dois le faire ?

Mais la sorcière connait déjà la réponse Ses rêves lui ont soufflé à tant de reprise.

Elle se relève,s'éloignant du corps meurtrie de la vieille femme., le collier toujours dans la main. Ecouter son ceur et attendre. Comme dans un film dont elle serait le personnage principal, avec une mission qui dépasse tout entendement. Et si elle refusait la charge qui lui incombe ? Si elle disait tout simplement non à tout ceux qui attendent qu'elle fasse quelque chose. Elle n'est pas le sauveur de l’humanité. Et si parfois la jeune femme donnait une pièce à un sans abris, c'était plus pour ce donner bonne conscience que pour une quelconque preuve d'altruisme. Les vampires existent depuis toujours alors pourquoi elle devrait réparer leur naissance ? Isodla a fait des erreurs et ce n'était pas à elle d'essayer de remettre le monde en ordre.

-Et si je refuse ? Vous ne pouvez pas vivre avec les vampires ? Je sais que vous allez me parler d'un équilibre des choses ou je ne sais quoi qui existe toujours dans les romans de Fantasy. Mais je n'ai aucune envie d'en être l'héroïne. Le monde se porte très bien et il n'a pas besoin de moi !
(A vérifier si Juju reconnaît Elisabeth sur son portrait!)

Catherine ne répond rien aux interrogations de sa petite fille ; elle a déjà les réponses. Oui, elle est l'héritière et oui, son destin est d'anéantir tout ce qui menace les sorcières et l'humanité. Elle l'observe tandis qu'elle s'éloigne en contemplant le pendentif. Son cœur se serre à nouveau en entendant les mots de la jeune femme ; un refus de sa part aurait des conséquences catastrophiques sur le monde mais, malheureusement, personne ne peut l'obliger à quoi que ce soit. Elle laisse un léger silence peser avant de répondre.



La sorcière plante son regard dans ceux de Justine alors qu'elle capte son attention. L'air grave, elle continue.

Elle marque une pause, cherchant ses mots.

Le silence lui répond. Un silence bien trop douloureux. Justine aimerait des réponses, se retrouver enfin, comprendre pour elle. Elle ne demandait rien, juste de continuer à vivre sa vie comme autrefois. Elle n’avait peut-être pas le métier dont tout le monde rêve mais elle s’y plaisait. Elle aimait les longues nuits blanches, elle aimait s’occuper de Jane, rassurer le corps tremblant de sa meilleure amie qui se blottissait contre elle. Elle aimait ses nuits folles en compagnie d’hommes dont elle aurait oublié le nom au petit jour. Elle n’a pas besoin de leur monde.
— Tu as parfaitement le droit de refuser, Justine. Mais s’il doit en être ainsi, tu dois le faire en toute connaissance de cause.

La jeune femme se retourne, soutenant le regard de Catherine. Durant une seconde, la colère empli ses yeux. Le droit de dire non ? Comme si elle avait le choix. Ils ne l’avaient pas amené ici pour qu’elle puisse partir en leur disant que finalement, elle n’était pas très chaude pour sauver le monde. On ne lui laissait pas le choix et si Catherine lui laissait imaginer du libre-arbitre, il n’en était rien.
— Le monde est menacé chaque jour par les erreurs humaines, par les catastrophes climatiques et j'en passe, la liste est longue. Mais la menace que représente les vampires va bien au-delà de ça. Plus ils seront nombreux, moins nous aurons de chance de voir l'humanité perdurer dans le temps... moins nous aurons de chance de voir la vie continuer son cours.

Elle marque une pause, cherchant ses mots.

— Isolda n'a jamais vraiment périt tu sais. Elle vit tout autour de nous. Ne la sens-tu pas ? La magie, virevolter dans le vent, luire dans les rayons du soleil, satisfaire l'air que tu respires. Isolda est la base de tout, elle a créé notre monde... et elle se meurt, Justine. Avant elle il n'y avait que le néant, après elle il n'y aura que les ténèbres.
— Les vampires ont besoin des humains pour survivre. Isolda ne les aurait pas créés s’ils n’étaient que des monstres. Et elle n’a pas créé qu’eux.

Mais les loup-garoux ne semblaient pas importuner tant que ça la vieille sorcière. Ils la protégeaient, devenant les gentils de cette histoire qui perdait déjà Justine. Le pouce de la jeune femme glissa sur la pierre du pendentif alors que ses yeux quittaient ceux de sa grand-mère. Cette chaine n’avait pas sauvé Elizabeth de la mort. Ce médaillon n’avait sauvé aucun de ses ancêtres.

— Il y a quelques années, un vampire s’est attaqué à ma meilleure amie et moi lorsque nous étions dans la rue. Il avait faim et s’est jeté sur Jane qu’il a mordu à pleine dent. Ma magie l’a réduit en cendre. Qu’est-ce que ce médaillon apporte de plus ? Isolda ne nous a pas rendu assez puissante pour lutter contre les vampires ?

Le regard de Justine se posa sur Catherine, pleins de questions et de douleurs. Elle pourrait vouloir sauver les créatures. Mais elle voulait comprendre tout ce qu’on lui avait caché. Elle voulait savoir qui elle était réellement.

— Pourquoi je ne sais rien de la magie ? Où était ma mère ? Où étais-tu ? Vous m’avez abandonné et laissez-moi rire avec votre attaque de vampire. Vous m’avez laissé seule…

— Les vampires ont besoin des humains pour survivre. Isolda ne les aurait pas créés s’ils n’étaient que des monstres. Et elle n’a pas créé qu’eux.

La mâchoire de Catherine se contracte en une légère moue. Elle comprend tout à fait ce que Justine veut dire par là. Les vampires et les loups se trouvent dans le même paquet... la sorcière en a conscience, mais pour que les choses se fassent comme elles sont écrient, Justine doit ignorer certains détails.


— Il y a quelques années, un vampire s’est attaqué à ma meilleure amie et moi lorsque nous étions dans la rue. Il avait faim et s’est jeté sur Jane qu’il a mordu à pleine dent. Ma magie l’a réduit en cendre. Qu’est-ce que ce médaillon apporte de plus ? Isolda ne nous a pas rendu assez puissante pour lutter contre les vampires ?


— Pourquoi je ne sais rien de la magie ? Où était ma mère ? Où étais-tu ? Vous m’avez abandonné et laissez-moi rire avec votre attaque de vampire. Vous m’avez laissé seule…

Le visage de Catherine se stupéfait tandis que ses yeux se gonflent de larmes. Comment peut-elle lui dire ça à elle. Elle qui a tant donné pour sauver sa vie. Son amour, sa fille, le reste de sa famille. Justine ignore bien trop de chose et ses reproches coupent littéralement la voix de la vielle sorcière qui ouvre la bouche sans émettre un seul son.
C'est une autre voix qui retentit derrière l'héritière.
Lance Elijah, qui se trouve dans l'encadrement de la porte.

Son visage est fermé, son regard bleu pourtant si sombre posé sur Justine.


Le loup s'avance dans la pièce, ignorant parfaitement le regard désapprobateur de Catherine.
Gronde t-il avant de s'arrêter face à elle.

Dit il en lançant un regard déterminé à la sorcière avant de le reposer sur Justine. Sévère, sombre.
Répète t-il en insistant, remarquant l'hésitation de la jeune femme.

personne n'était leur alliés. Elles étaient seules, comme des idiotes et Justine n'avait jamais rencontré une autre sorcière. Elle ne connaissait que Catherine, une Catherine dans un mauvais état qui pouvait partir à chaque seconde. Elle voulait savoir avant tant de force. Elle avait peur mais sa curiosité la poussait à rester là, à regarder la femme qui lui faisait face, à écouter ses mots qui faisaient battre avec horreur son palpitant.

C'est la voix d'Elijah qui retentit face à ses reproches muets et instinctivement, Justine se met sur la défensive. Elle le défit des yeux alors que ses mots lui brisent le coeur. Le plus de chance ? C'est-il seulement ce que c'était de vivre sans savoir ce qu'on est ? De découvrir ses pouvoirs dans une horreur incompréhensible, de prendre la vie avec violence quand on meurt de peur dans un coin, de devoir essayer de contrôler quelque chose que l'on ne connait pas ? Il ne sait rien et pourtant ce sont de nouveaux couteaux qu'il enfonce dans son coeur alors qu'il lui dit que sa mère a donné sa vie pour la sauver. Elle n'aurait pas voulu. Il ne peut comprendre. Elle aurait aimé mourir avec sa mère pour ne pas connaitre ce monde étrange dans lequel ils l'ont embrigadé sans réellement lui donner le choix. Cette soit disante sacro sainte mission divine qui appuie sur ses épaules à lui en faire plier les genoux n'est qu'un mythe. Elle ne les croit pas et pourtant, elle le a vu les crocs étincelants qui ont feulé. Elle a vu le loup qui ne la reconnaissait plus. Et pire encore, elle avait vu sa magie filer jusqu'au corps de Jonathan. L'image du jeune homme vient flotter devant ses yeux et elle se rend compte que pas une seule seconde elle n'a pensé à lui. Elle ne sait s'il est en vie, quelque part et si le loup a tenu parole. S'il a dit la vérité.

Le visage dur, la sorcière défit les yeux d'Elijah avant de s'approcher de lui d'un pas décidé. Il veut lui montrer. Très bien. Elle veut savoir. Elle se fiche de l'horreur qui va surement apparaitre devant ses yeux, Elle marche pour l'instant en aveugle et refuse de s'impliquer. Elle ne veut pas de cette guerre qui n'est pas la sienne. Ils lui parlent d'étranger. Elle reste silencieuse et se contente de prendre la main qui lui est tendue, comme elle saisirait une bouée.

Le regard défiant de Justine le fait rager intérieurement. Il n'a aucune idée, lui, de ce que la jeune femme a bien pu vivre. Il ne voit égoïstement que son propre malheurs. Mais comment lui en vouloir, au final? Comment lui en vouloir quand on connait la vérité? Elijah lutte chaque jours de sa vie pour se reconstruire car, derrière son image impulsive et intouchable, se trouve un être brisé par son passé.
Il reste immobile alors qu'elle s'approche, gardant sa main tendu jusqu'à la refermer sur la sienne. Aussitôt, la magie pénètre violemment dans les souvenirs du loup, retranscrivant sans pitié les images dans leurs deux esprits.




L'ombre laisse peu à peu place à la lumière. Alors qu'il ouvre les yeux, deux visages aimants l'accueillent, parés d'un sourire radieux.

Amaya — Salut toi.
Lucian — Il est magnifique, Maya.
Amaya — Tout comme son père.

Les lèvres des deux parents se rejoignent amoureusement au dessus de leur premier rejeton, ravie et heureux.

Lucian — Tu a décidé du nom que tu veux lui donner?

Le regard bleuté de la jeune femme blonde se pose sur l'enfant avec la plus grande des tendresses. Elle lui sourit.

Amaya — Elijah.


Ses cheveux sont blonds comme le blé et ses yeux aussi bleu que le ciel en plein été. Du haut de ses deux ans, son rire bienveillant éclate en écho dans la cour du manoir de l’île de l'Aurore, qui n'a d'ailleurs à ce jour pas vraiment changé. Il court pour échapper aux mains friponnes de sa mère, prête à le chatouiller, avant que d'autre bras de l'enlacent finalement pour le soulever.

Catherine — Je t'ai eu mon petit loup!
Elijah — Nan! C'est d'la tricheuuh.

Leurs rires se mêlent, accompagnés volontiers par celui d'Amaya, semblant être très amie avec Catherine. A cette époque, cette dernière a beaucoup de point commun avec Justine.


Lucian — Qu'est ce qui c'est passé?! Ou est elle?

Les yeux innocents observent discrètement les adultes parler sérieusement, bien caché derrière une porte entre ouverte. La voix grave de son père le fait frisonner d'une peur qu'il n'a jusque là jamais connu.

Catherine — Un vampire Lucian. Il... Je n'ai rien pu faire.
Lucian — Laisse moi passer.

Le loup bouscule la sorcière et entre rapidement dans la pièce derrière elle, laissant place à la vision sanglante qui tapis la robe de la jeune femme. Le sang de sa mère.


Les sanglots s'accaparent de ses joues rosies alors qu'il regarde la grande tombe devant lui, gravée d'un splendide "Amaya Maria Crossen. J'étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis.".

Elijah — Papa...

L'enfant lève la main vers son père, cherchant un réconfort, mais ce dernier ne lui offre qu'un regard vide avant de s'éloigner. Elijah le regarde partir, totalement perdu.

Cahterine — Vient par ici, mon petit loup.

Les bras réconfortants de la sorcière viennent alors le soulever pour le serrer contre elle. Il pleure, et ne semble plus pouvoir s'arrêter.


Elijah semble avoir deux ans de plus et un sourire pare de nouveau ses lèvres. Il tient entre ses petites mains une canne à pêche, assis au bord du ponton de l'étang. Il tourne la tête en entendant résonner les rires afin d'observer son père et Catherine se taquiner et s'embrasser. L'enfant sourit encore. Sa mère lui manque mais, heureusement, il en avait une seconde pour prendre soin de lui et de Lucian.


Un an plus tard, il tient entre ses bras un tout petit être, bien plus fragile que lui. Il l'observe de ses yeux bleus tandis que le nourrisson le fixe aussi, un air sérieux affiché sur son visage. Il ne faudrait surtout pas laissé tomber la petite Justine.

Cahterine — Je suis fière de toi ma chérie. Elle est tout simplement merveilleuse.
Aria — Merci maman.


Cahterine — Est-ce vraiment raisonnable Lucian? Imposer ça à la meute.
Lucian — C'est leur vie qui est menacée Caith, ils seront soulagés d'apprendre qu'ils ont une chance. L'espoir de paix est l'unique chance des loups.
Cahterine — Je te fais confiance mon amour. Si tu crois en la parole de ce vampire, je la crois aussi.

Les lèvres des deux amants se rejoignent avant que Lucian ne tourne la tête dans la direction de son fils qui les attends sagement à l'entrer du bureau.

Elijah — C'est l'heure de la chasse, père.
Lucian — Merci Elijah, j'arrive.


Aria ressemble comme deux gouttes d'eaux à Justine mais, à cette instant, son visage est paré d'une angoisse évidente. Elle glisse l'enfant entre les bras tremblants d'Elijah.

Aria — Reste bien caché Elijah, et fait en sorte qu'elle ne pleure pas.

La trappe se referme sur les deux marmots. Elijah est paniqué, son souffle est lourd et il ne sait que faire, il ne sait quoi penser. Il sent l'enfant gigoter entre ses bras et des petits gémissements retentir d'entre ses lèvres. Il la regarde, la berçant doucement avant de décider de lui chanter sa chanson favorite.

Elijah — Endors toi gentil petit loup. Endors toi dans les bras de la lune. Endors toi gentil petit loup. Elle est là, en haut de sa dune. Tu verra gentil petit loup. C'est en toi que vit vraiment la lune. Tu verra gentil petit loup. Elle et ta meute sont toute ta fortune. T'en fais pas gentil petit loup. Le matin est aussi fait pour toi. T'en fais pas gentil petit loup...

La porte de la pièce où ils se trouvent s'ouvre brutalement. L'enfant comprend aussitôt que quelqu'un entre, que quelqu'un s'apprête à les trouver.
Le petit blond regarde alors autour de lui, le cœur battant furieusement dans sa poitrine. Il voit un amas de tissu posé à coté de lui, ressemblant à des habits anciens. Il forme alors un nie, déposant le petit être qu'il doit à tout prix protéger.

Elijah — ...c'est le soleil qui veille maintenant sur toi.

Murmure t-il afin de finir sa comptine en frôlant de ses petits doigts la joue du bébé endormis. Il la recouvre alors de tissu afin de la cacher et de se retourner subitement alors que la trappe s'envole. Des doigts l'agrippent violemment et le soulèvent.

Elijah — Non! Non laissez moi!


Des bras l'empêchent de bouger mais il ne cesse de se débattre. Il débarque dans la cour, constatant l'horreur et le sang. Des cadavres de loups et de vampires tapissent le sol. Les cries et les grognements ont prit le dessus sur le calme apaisant. Ses yeux effrayés observent pour enfin se poser sur Aria, faisant jaillir la magie violette de ses mains. Mais, en quelques secondes, elle se fait violemment attaquer par un vampire. Les crocs de la sangsue se plantent dans sa nuque alors qu'elle se met à hurler. Alors, apparaît derrière eux Lucian, propulsant de toute ses forces le monstre afin de le dégager de la sorcière qui tombe au sol, affaiblit. D'un mouvement de main et tel un animal, il arrache la tête du vampire.

Lucian — Sauve la Catherine!! Sauve ta famille!!!

Hurle son père alors que les yeux d'Elijah suit les siens. Il tombe sur Catherine, se trouvant à l'entrée du manoir, serrant dans ses bras la petite Justine.
Les yeux apeurés d'Elijah se tourne de nouveau vers son père, l'observant se battre pour défendre la pauvre Aria qui se vide de son sang. Il s'immobilise subitement alors qu'une main robuste traverse sa poitrine, empoignant son cœur. Il tombe à genoux alors que celui ci lui est arraché.

Elijah — Non! Papa!! Papaa!!!

Lucian accorde à son unique fils un ultime regard, et s'écroule à jamais.

L'enfant blond hurle son désespoir, comme si il est entrain de fondre sous la douleur alors que son cœur se déchire. Il se débat si fort qu'il glisse d'entre les bras du vampire et se met à courir. Il court, avant d'être de nouveau brutalement stoppé. Son regard cherche alors désespérément Catherine qui le regarde, désolé, le visage recouvert de larme et aussi déformé par la douleur.
La sorcière serre Justine contre elle tandis qu'une lumière semble s'évader de cette dernière. Elle ferme les yeux alors que l'aura dorée s'accapare de sa propre peau, avant d'éclater jusqu'à éblouir tout les vampires présents. Celui qui le tient le lâche en hurlant. Alors, Elijah se remet à courir vers la lumière, tendant la main comme pour attraper cette dernière chance mais, alors qu'il semble l'atteindre, ses doigts ne peuvent s’agripper. Toutes les sorcières encore en vie ont disparu, Catherine et Justine comprise. Alors retentit de nouveau les cries ; ceux des derniers loups qui n'ont pas su s'échapper.


Ils tremblent de tout leur petit être, enfermés dans des cages comme des animaux. Ces sept enfants, ces sept louveteaux, âgées de 4 à 11 ans. Elijah est parmi eux ; Il est recroquevillé sur lui même dans un coin, se balançant d'avant en arrière en cachant son visage contre ses genoux.

Noha — Elijah... Elijah.

Le blond relève doucement la tête en entendant sa plus grande cousine l'appeler discrètement.

Noha — Ca va aller Elijah. Ils ne doivent pas savoir... ils ne doivent pas savoir qui tu est. Ne parle pas. Ne parle jamais, tu entends?!
Elijah — Mais...
Noha — Ne discute pas. C'est toi qui dois accomplir la prophétie Elijah. Ne nous laisse pas mourir pour rien...

Alors, la porte des cachots s'ouvrent dans un son angoissant. Des pas résonne dans les couloirs avant de s'interrompre. Les yeux d'Elijah se posent alors sur cette vampire brune à l'aura étrange et dont l'assurance le fait trembler.

Elisabeth — Bien les enfants, évitons de se fâcher, voulez vous? Qui parmi vous est le fils du loup gris?

Le silence répond à la sangsue qui garde son calme. Elijah meurt d'envie de se dévoiler, ça se voit. Pourquoi est ce que cette créature le cherche?

Elisabeth — Je vais donc devoir employer une manière plus... désagréable.
Elijah — JE suis le fils de Lucian, le loup gris.

Lance le blond en se levant fièrement, du haut de ses cinq ans. Déjà mature pour son âge, et bien qu'il tremble de tout son être, il refuse qu'on souffre à cause lui. La vampire pose alors ses yeux bruns parés d'une flamme effroyable sur le petit loup mais, alors qu'elle s'apprête à prendre la parole, elle est interrompu.

Noha — Non! C'est moi la fille de Lucian, le loup gris.

S'exclame la cousine en se levant à son tour, suivit par les autres.

Joan — Non c'est moi!
Amélie — C'est moi.
Lex — Non moi.
Sam — Moi!
Yael — Non c'est moi.

Le petit Elijah serre les dents en voyant l'attention de la sangsue se dévier de lui. Ses poing se crispent, prit d'une assurance qu'il n'a jusque là jamais eu. A la fois outré et touché par la réaction de sa famille.

Les louveteaux — La force de la meute est dans le loup, et la force du loup est dans la meute.

Un sourire vicieux s'affiche alors sur les lèvres de ce qui ressemble maintenant à un monstre.

Elisabeth — Très bien. Si c'est ce que vous voulez! Viens avec moi toi!

Elle ouvre la cage de Noha qui se colle contre l'une des parois pour tenté de lui échapper. Rien y fait, ses doigts l’agrippent et elle hurle. Elle hurle en traversant le couloir. Elle hurle alors que s'ouvre la porte et elle se tait alors qu'elle se referme. Quelques minutes plus tard, ses hurlements résonnent à nouveau pendant ce qui semble des heures à Elijah, jusqu'à qu'elle se taise sans ne plus jamais crier.


De nombreux jours après, voir de nombreux mois, Elijah est toujours dans sa cage tandis que les autres se vident. Une par une. Commençant toujours par des cries et finissant toujours par le silence. Un silence pesant, jusqu'à une solitude complète.
La maigreur de l'enfant fait peur. Son visage est noirci par la crasse. Il frémit alors que la porte s'ouvre à nouveau mais, cette fois ci, il ne bouge pas. C'est a son tour. C'est à son tour de traverser cette porte en hurlant. C'est à son tour de voir l'horreur s'afficher dans ses yeux. La grille s'ouvre tandis qu'il lève la tête vers la vampire brune qu'il l'attrape sans douceur pour l'extirper de là. Il crie et se débat mais sa force est bien trop supérieur à la sienne.

Elisabeth — Je suis désolé. Il faut que sa paraisse vrai.

Lance t-elle avant de le prendre vulgairement dans ses bras tandis qu'il fixe avec effroi la lueur qui s'échappe de cette porte...

Les flashs deviennent alors impulsifs, les images plus saccader, comme le souffle court de celui qui les transmet. La main qui tient celle de Justine se met à trembler et la chaleur qui s'en échappe traduit très bien ce qu'Elijah peut ressentir à ce moment là : l'angoisse, et la rage.

Des petits corps ensanglantés sont éparpillés sur le sol, pas toujours entiers.
Son visage qui se défigure alors qu'il reçoit le premier coup de fouet à lanière, qui sonne en un claquement lugubre.
Son cri déchirant.
La vision de son dos dont les lambeaux de chairs et de sang forment une véritable cascade d'horreur.
Les brûlures sur son torse, sur ses bras.
Les bleus sur son visage.
Son corps qui évolue en celui d'un jeune adolescent, révélant un certains nombres d'années passé en enfer.
Puis cet autre vampire.

Elisabeth — Occupe toi de lui, et n'informe que moi si il parle.

Leur dire la vérité. Leur dire qui il est, où est Justine. Jamais!
Le vampire dont les yeux vicieux feraient frémir n'importe quels mortels s'approchent.

Vampire — Déshabille toi.

Elijah le regarde, les yeux grands ouverts, mort de peur. Il balance sa tête de gauche à droite. Refusant de lui obéir. Le vampire grogne et se jette alors sur lui, arrachant ses vêtements alors qu'il hurle sa terreur, jusqu'à qu'il se retrouve nue comme un verre. Le monstre déboutonne alors son pantalon en riant au éclat.

Vampire — J'ai toujours rêvé de me taper un petit loup!
Elijah — Non je vous en supplie! Non!

L'immortel se jette alors sur l'enfant en le retournant, plaquant son buste contre une table. Elijah se débat, en vain, alors il hurle.

Elijah — NON!


S'en est trop pour lui. Beaucoup trop. Sa main s'extirpe de celle de Justine alors qu'il fait deux pas en arrière. Son visage n'est plus le même ; Il n'a plus aucune assurance, plus aucune force. Dans son regard ne se lit que la frayeur... la douleur. Son souffle est lourd, comme si il suffoquait. Il ne peut pas. Il est incapable de lui montrer d'avantage. De lui montrer tout ce dont est capable un vampire, tout ce dont il est capable pour le pouvoir. Tout ce dont il est capable pour atteindre Justine. Il est incapable de lui montrer ce que le monde est et ce que le monde sera.

Elijah se retourne sans un mot et s'en va à grands pas, disparaissant dans les couloirs. Comme pour fuir son passé, comme il l'a toujours fait.

Durant une seconde, elle le défi des yeux. Il se tient devant elle, empli d’une rage qu’elle ne comprend pas. Elle lui a désobéit. Elle est sortie du chalet pour découvrir ce qui se tramait, pour retrouver une magie qu’elle n’avait pas senti aussi proche depuis ce qui lui semble des siècles. Et lui ne réponds que par la colère, comme toujours. L’esprit du loup est instable. Il a essayé de l’attaquer. Justine aurait toutes les raisons du monde de sauter à la gorge de l’homme qui se dresse devant elle et pourtant elle garde le regard fixé sur l’horizon. Le soleil se lève lentement par-delà la forêt encore sombre. La lune lui cède du terrain. Les loups ont donc déjà repris forme humaine… A moins qu’Elijah soit le seul à pouvoir contrôler l’impact des rayons argentés sur son esprit.
— Aria a donné sa vie pour que tu puisses t'échapper. Quant à Catherine, elle a tout abandonner pour te mener dans un endroit sûr. Tu penses avoir souffert Justine ? Mais tu es sans doute celle qui a eu le plus de chance.
Elle le défi des yeux alors que ses mots lui brisent le cœur. Le plus de chance ? C'est-il seulement ce que c'était de vivre sans savoir ce qu'on est ? De découvrir ses pouvoirs dans une horreur incompréhensible, de prendre la vie avec violence quand on meurt de peur dans un coin, de devoir essayer de contrôler quelque chose que l'on ne connait pas ? Il ne sait rien et pourtant ce sont de nouveaux couteaux qu'il enfonce dans son cœur alors qu'il lui dit que sa mère a donné sa vie pour la sauver. Elle n'aurait pas voulu. Il ne peut comprendre. Elle aurait aimé mourir avec sa mère pour ne pas connaitre ce monde étrange dans lequel ils l'ont embrigadé sans réellement lui donner le choix. Cette soit disante sacro sainte mission divine qui appuie sur ses épaules à lui en faire plier les genoux n'est qu'un mythe. Elle ne les croit pas et pourtant, elle a vu les crocs étincelants qui ont feulé. Elle a vu le loup qui ne la reconnaissait plus. Et pire encore, elle avait vu sa magie filer jusqu'au corps de Jonathan. L'image du jeune homme vient flotter devant ses yeux et elle se rend compte que pas une seule seconde elle n'a pensé à lui. Elle ne sait s'il est en vie, quelque part et si le loup a tenu parole. S'il a dit la vérité.
— Quand est-ce que tu vas comprendre que tu es leur unique espoir ?! Gronde-t-il alors qu’il s’approche de la sorcière, bien trop proche.
Elle veut reculer, s’éloigner de lui. Mais il n’y a qu’un mur derrière elle. Justine lève alors les yeux, croisant les flammes qui brillent dans les iris bleus d’Elijah. Sa colère la transperce et vient caresser son cœur. Son menton se pointe avec défiance. Il ne peut pas comprendre.
— Elijah... murmure la vieille femme.
— Non Catherine ! Elle veut des réponses. Il faut qu'elle sache. Tu veux savoir, hein ? Savoir ce que sera le monde si nous n'agissons pas ? Prend ma main.
Il lui tend cette main violente qui lui enverra des images que la sorcière n’a aucune envie de voir. Mais, dans toute la fierté qui possède son cœur, elle tend la sienne. Elle ne reculera pas. Leurs peaux se touchent et une fois de plus, la chaleur du loup transperce Justine. Les images bondissent derrière ses prunelles baissées, dans un flot ininterrompu qu’elle peine à suivre durant la première seconde. Puis ses sourcils se froncent alors qu’elle se concentre. Sans qu’elle ne s’en rende compte, sa magie vient caresser son derme. Elle sent plus qu’elle ne voit le halo violet qui s’entoure autour de son corps. Elle sombre.

*****
C’est un enfant qui vit de naitre, dans les mains de ses parents. L’amour brille dans les yeux des deux adultes. Ils lui donnent un nom. Elijah. Le jeune loup. Le puissant loup. Le fils de l’Alpha, celui dont la fourrure prendra avec le temps une teinte d’or pu. L’enfant de la prophétie qui n’en a pas encore conscience.
****
Le jeune loup court. Les images défilent trop vites pour que les yeux de Justine parviennent à faire le point. Dans l’esprit d’Elijah, elle sent le bonheur. Puis elle se voit. La blonde devant l’enfant ressemble bien trop à la sorcière. C’est le nom de Catherine qui lui vient. La vieille femme, alors jeune. Son sourire est éblouissant. Le rire d’Elijah retentit. Il est heureux.
****
Tout bascule. C’est du sang dont elle sent l’odeur. Il y a un corps non loin, le corps de la mère de louveteau. Elle le sent retenir ses larmes devant son père. Elle sent la panique qui s’enfonce dans le cœur de tous les loups présents dans la pièce. Ce qui a tué est revenu d’un monde où ils le pensaient avoir disparu. Voilà des centaines d’années qu’il n’y a pas eu la moindre attaque. Voilà des centaines d’années qu’un parchemin les maintenait liés malgré la haine que les deux peuples se portent. Justine croise le regard de Catherine et y lit une inquiétude folle.
— Un vampire Lucian. Il... Je n'ai rien pu faire.
La rage s’empare de l’esprit dans lequel Justine évolue. Un immortel a tué sa mère. L’odeur du sang est trop forte et personne ne prête attention aux poings qu’elle sent se serrer.
****
Ils sont devant une tombe. Ce n’est la main de son père que tient Elijah mais celle de Catherine. « Maya Maria Crossen. J'étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis. » L’épitaphe ne parle pas à Justine mais elle sent que tous ceux qui se pressent autour de cette tombe comprennent. Ses yeux, à travers ceux du jeune loup, se relèvent jusqu’au visage de son père, y cherchant du soutient. Le vide lui répond.
****
Catherine est dans les bras de Lucian. Justine sent la chaleur de l’eau autour de son mollet bien trop épais. Le corps d’Elijah a changé, témoignant du temps qui s’est écoulé bien trop vite. Les souvenirs que le loup adulte lui offrent ne sont que des brides d’un passé qu’il veut qu’elle comprenne. Justine se laisse porter par les images. Catherine a l’air heureuse dans les bras du chef de meute. Sa grand-mère commence déjà à vieillir et de minuscules ridules bordent ses yeux. La vision du loup est bien plus forte que la sienne.
*****
Le petit bébé dans ses bras ne bouge pas. Il se contente d’ouvrir de grands yeux bleus que Justine reconnait immédiatement. C’est elle-même qui la fixe avec un air sérieux qui arrache un éclat de rire au corps qui la ramène dans le passé. Les yeux du loup se lèvent et la sorcière voudrait arrêter le temps. Le visage de sa mère apparait. Cette mère qu’elle n’a jamais connue. Les deux femmes se ressemblent, à la seule différence que les yeux de la plus vieille sorcière sont d’un vert époustouflant.

— Je suis fière de toi ma chérie. Elle est tout simplement merveilleuse. Murmure Catherine, un sourire doux sur les lèvres.
— Merci maman.
Justine ne veut pas quitter ce souvenir. Elle veut rester là, continuer à observer sa mère. La découvrir à travers de souvenirs qu’elle aimerait toucher. Elle veut prendre le contrôle du corps qui l’habite. La magie ne lui permet pas. Elijah ne lui en laisse pas le choix. Il y a tant d’autres choses à voir.
****
— Est-ce vraiment raisonnable Lucian ? Imposer ça à la meute.
— C'est leur vie qui est menacée Caith, ils seront soulagés d'apprendre qu'ils ont une chance. L'espoir de paix est l'unique chance des loups.
— Je te fais confiance mon amour. Si tu crois en la parole de ce vampire, je la crois aussi.
****
La paix a disparu. Les yeux d’Elijah voient de la peur dans ceux qui se plantent dans les siens. Aria brule d’une angoisse que le loup ressent plus fort encore. Le petit corps de Justine est glissé dans ses bras tremblants.
— Reste bien caché Elijah, et fait en sorte qu'elle ne pleure pas.
La trappe se referme sur les deux enfants. Justine sent la panique dans le corps qu’elle possède. Son souffle est lourd alors qu’elle sent ses pensées partir dans tous les sens. Le bébé dans ses bras bouge légèrement et commence déjà à sangloter. Comme si la petite sorcière pouvait ressentir la peur qui s’en installée dans l’obscurité. Alors le loup se met à chanter cette berceuse qui calme les enfants de la meute. Justine est née à leur côté. Elle deviendra la sorcière les protégeant lorsqu’elle possèdera son pouvoir. Comme un membre de la meute auquel il manque le côté lupin.
— Endors-toi gentil petit loup. Endors-toi dans les bras de la lune. Endors-toi gentil petit loup. Elle est là, en haut de sa dune. Tu verras gentil petit loup. C'est en toi que vit vraiment la lune. Tu verras gentil petit loup. Elle et ta meute sont toute ta fortune. T'en fais pas gentil petit loup. Le matin est aussi fait pour toi. T'en fais pas gentil petit loup...
L’obscurité est détruite en quelques secondes alors qu’une porte s’ouvre, baignant de son faisceaux lumineux la pièce. Justine sent la panique s’emparer du cœur du loup. Il dépose le bébé sur un nid improvisé dans des couvertures. Elle sent l’instinct de protection de cet Elijah si jeune dans l’esprit duquel elle est perdue.
— ...c'est le soleil qui veille maintenant sur toi.
Le bébé dort. Un glapissement s’échappe des lèvres du jeune loup alors que des doigts glacés s’entourent autour du col de son pull, le soulevant de terre. Il hurle mais rien n’y fait. Les mains le tiennent, avec une force inconnue. L’odeur le déconcentre un instant. Il flotte dans l’air la puanteur de la mort et de la charogne. Il tente de se retourne, de voir ce qui le maintien immobile mais son corps refuse de lui répondre.
Son assaillant le sort de la pièce sombre dans laquelle il s’était caché. Le monde extérieur a explosé en gerbe de sang. L’hémoglobine tapisse le sol et les corps étendus là. La mort est partout et à chaque endroit où les iris d’Elijah se posent, il croise les regards vides d’hommes et de femmes du clan. Il y a des vampires partout et le cœur de Justine se serrent devant leur implacable avancée. Les loups ne peuvent lutter longtemps.
La magie explose à l’horizon, jaillissant des mains d’Aria. Sa mère est là, le visage aussi froid que l’air, appelant à elle tous les pouvoirs de la mort. Elle n’a le temps de se battre qu’un vampire lui saute déjà à la gorge. En quelques secondes le corps tombe au sol, sa peau devenue aussi blanche que la neige. La sorcière est encore en vie et se débat difficilement contre la mort qui rode déjà autour d’elle. L’immortel se redresse, sans un regard pour le corps à ses pieds. Il essuie le carmin qui tapisse son menton et attaque une nouvelle proie. Les yeux d’Elijah s’écarquillent et à travers eux ceux de Justine. Sa mère n’a pas eu le temps de combattre.
— Sauve la Catherine ! Sauve ta famille !
L’ordre transperce les hurlements de douleur et les grognements. Lucian est intervenu, sous sa forme humaine, pour tenter de protéger Aria. Catherine est là, à l’entrée du manoir, le bleu de ses yeux reflétant la teinte écarlate qu’a déjà prise la terre. Dans ses bras, le petit corps de Justine est immobile. La sorcière ne sait pas quoi faire alors que la magie lèche sa peau. Lucian le supplie de disparaitre, de sauver ce qui peut encore exister. Les mots de l’alpha sont brutalement transformés en un gargouillis incompréhensible alors que son cœur lui est arraché par un vampire.
— Non ! Papa ! Papaa !
C’est la voix désespérée d’Elijah qui a retentit. Le jeune loup se débat, tant et si bien que le vampire qui le maintenait immobilisé fini par le lâcher. Il ne se laisse pas en seconde. A peine atterrit-il sur ses pieds qu’il bondit en direction de Catherine. Le regard de la sorcière est désolé. Il pousse sur ses jambes, accélérant encore.
Il tend les doigts, pour essayer d’attraper le bras de Catherine, pour tenter de toucher la lueur dorée qui s’échappe du corps de la sorcière. Ses doigts n’agrippent que le vide. La lumière l’éblouit, le forçant à fermer les yeux. Lorsqu’il les rouvre, les sorcières ont disparues. Alors retentissent à nouveau des cris. Les loups qui n’ont pas pu s’échapper sont mis en pièce par des vampires ivres de rage. Le regard d’Elijah croise celui d’une immortelle qui ne se bat pas. Sa noirceur le transperce. Un sourire étire les lèvres de la vampire . Et un coup brutal lui fait perdre conscience.
****

La pièce dans laquelle il se réveille est sombre. Il sent tout autour de lui des présences qu’il identifie rapidement comme celles des louveteaux de meute. Il n’y a que des enfants, tous d’à peu près son âge. Justine est encore sous le choc de ce qui vient de se passer. Son esprit peine à suivre les images du passé qui lui semblent si réalistes. Sa peur n’est pas une invention. Tout a été réel. Les vampires les ont attaqués. Sans aucun signe précurseur. Trop de pièces de nouvelles pièces viennent s’ajouter au puzzle qu’est le monde dans lequel elle évolue maintenant. Mais aucune ne se glissent dans une autre. Il y a trop d’informations, trop de détails qu’elle n’a surement pas réussit à glaner.
Elijah est recroquevillé sur lui-même, se balançant d’avant en arrière en cachant son visage dans ses genoux. Il tremble de tous ses membres, encore tétanisé par l’horreur qui a fait voler son monde en éclat. Les autres louveteaux sanglotent doucement.
— Elijah... Elijah. Appelle une jeune fille à la chevelure de feu. Ça va aller Elijah. Ils ne doivent pas savoir... ils ne doivent pas savoir qui tu es. Ne parle pas. Ne parle jamais, tu entends ?!
— Mais... Réplique le loup. Elle ne lui laisse pas le temps de continuer dans son objection.
— Ne discute pas. C'est toi qui dois accomplir la prophétie Elijah. Ne nous laisse pas mourir pour rien...
Le silence le plus profond lui répond. Même les sanglots des louveteaux se sont tus. Il y a une nouvelle présence dans la pièce, une présence qui attire toutes lumières dans sa noirceur. Une vampire. La vampire. Celle qui lui a envoyé ce sourire voilà seulement quelques heures qui lui semblent une éternité. Elle est belle, de cette beauté glaciale qui transperce bien des hommes. Mais ses yeux transpirent à eux seuls de sa véritable nature. Leur couleur noisette est froide, aussi glacée que l’hivers qui tue la nature chaque année. Elle a tout d’une mente religieuse, prête à arracher la tête de tous les enfants dans la pièce d’un simple coup de dent.
— Bien les enfants, évitons de se fâcher, voulez-vous ? Qui parmi vous est le fils du loup gris ?
Le silence. Le sourire de la vampire ne disparait pourtant pas, s’amplifiant même, devant carnassier en laissant dépasser ses canines trop longues. Les os de ses doigts claquent comme un coup de fouet dans l’air trop lourd. Certains louveteaux sursautent. La menace est sous jacente et l’instinct des enfants à moitié sauvage leur hurler de fuir. Aucun ne bougent.
— Je vais donc devoir employer une manière plus... désagréable.
— JE suis le fils de Lucian, le loup gris.
Elijah s’est relevé trop brusquement et un glapissement s’échappe des lèvres du Justine dans le présent qu’elle ne voit déjà plus, happée par les images qui s’affichent devant elle. La vampire sourire, un peu plus. Et, alors qu’elle se rapproche du jeune loup, un autre se lève, criant qu’il est le fils de Lucian. Puis un autre, et encore un autre. Jusqu’à ce que tous les enfants soient debout, dressés comme un seul homme.
— La force de la meute est dans le loup, et la force du loup est dans la meute.
Le visage de la vampire n’a plus rien d’humain alors que la rage s’infiltre dans ses yeux qui ont déjà rougit. Elle a tout du monstre, tout de l’horreur. Sa peau est tendue sur ses os. Ses lèvres teintées d’un rouge carmin alors qu’aucun sang ne coule sur son menton. La colère leur rend une apparence qui n’a plus rien à voir avec les illusions qui les entourent en permanence.
— Très bien. Si c'est ce que vous voulez. Viens avec moi toi !
C’est la petite louve à la chevelure de feu qu’elle saisit. La jeune fille se débat, tentant de mordre. Ses dents claquent dans le vide. Elle hurle alors qu’elle sent les ongles de la vampire, transformé en griffes, s’enfoncer dans sa chair. Elle hurle alors que l’immortelle se met en mouvement. Ses cris se perdent, se contentant de raisonner contre les murs en un écho qui fait tomber Elijah à genou.
Les loups partent les uns après les autres et reviennent parfois, incapable de parler, le dos couvert de sang. Quand ils reviennent. Car bien souvent ils partent et seuls l’échos de leurs cris reviennent jusqu’aux autres loups. Dans les geôles qui deviennent de plus en plus petites à mesure qu’ils grandissent, les enfants sont traités comme des bêtes. On leur jette de la nourriture, on s’amuse de leurs hurlements quand vient la pleine lune. Ils sont des animaux de foire.
Puis c’est le tour d’Elijah. C’est la vampire, dont il a fini par apprendre le nom qui vient le chercher. Il aimerait se débattre mais elle a de son côté la force de l’immortalité. Elisabeth le traine jusqu’à la pièce où elle a entrainé bon nombre des siens avant lui. Ceux qui ne revenait pas sont toujours là. La putréfaction de leurs corps à moitié décomposés et rongés par les vers sature l’air. Du sang devenu noir tapisse le sol. C’est un véritable charnier. Au fond de ce dernier, un vampire qui ne ressemble plus à l’humain qu’il a été attends, ses canines devenues des crocs suintant de sang luisant.
— Je suis désolé. Il faut que ça paraisse vrai.
Les images se transforment en flash. L’esprit de Justine peinent à les suivre. Elle sent la douleur d’Elijah. Elle sent la main dans la sienne, qui la rattache encore à la réalité, trembler. Les années passent. La morsure du cuir fait fléchir la sorcière. Elle la sent comme si le coup lui était porté. Elle sent la douleur qu’a enduré Elijah sans jamais parler, sans jamais la livrer. Il a fait tout ça pour eux. Tout ça pour que les sorcières puissent s’en sortir. Elle voit le regard détestable du vampire qui s’approcha, qui retourne le loup et le plaque contre le bois dur d’une table. La rage, la douleur et tous les sentiments d’Elijah s’infiltre en elle.
*****

Il lâche sa main.
Le souffle cour, Justine croise ses yeux. Elle ne peut retenir un mouvement de recul en voyant les larmes qui s’y accumulent. Elle déglutit avant d’essayer de s’approcher, de le toucher. Il fait demi-tour avant qu’elle ne puisse dire le moindre mot.

— Elijah, s’il te plait ? lance-t-elle, ses traits marbrés d’inquiétude.

Il ne peut partir de la sorte, alors qu’elle rêve de se blottir contre lui. Alors qu’elle rêve de lui dire qu’elle comprend, qu’elle s’excuse. Elle est prête à mettre sa fierté de côté. Il a tant souffert et elle a encore un cœur, quoi qu’en disent tous les hommes qu’elle a côtoyé.

Il ne se retourne pourtant pas. Justine baisse la tête, son cœur battant à tout rompre. Elle sent encore la morsure du cuir dans sa chair. Elle sent encore le flux et le reflux de la magie utilisée par les sorcières dans des souvenirs qui lui semblent le sien. Son visage se tourne jusqu’à Catherine, restée muette. Elle croise les yeux bleus, si semblables aux siens et s’approche de sa grand-mère.

— Pourquoi ? Pourquoi on m’a caché tout ça jusqu’ici ? J’aurais voulu savoir Catherine. J’aurais pu me battre.

Les doigts de la jeune femme sont entourés autour du médaillon qu’elle n’a pas lâché. Elle veut comprendre. Il y a encore bien trop d’inconnues dans l’équation qu’est devenue sa vie depuis quelques jours.

Catherine a observé les deux jeunes gens, silencieuse, imaginant les horreurs qui fusent dans leur esprit. Peu de temps se passe mais elle voit. Elle voit leurs visages se décomposer, elle voit les mains d'Elijah se mettre à trembler. Elle sait. Elle sait dans quel état elle a récupéré cet enfant, elle sait tout les efforts qu'il a fait. Pour Justine, pour elle, pour le monde. Elijah est digne de son père, tout comme Justine est digne d'Isolda. Tout deux portes une partie de cette dernière en eux ; Il leur reste à découvrir quoi.

Elle reste muette alors que le loup s'éloigne, soufflant doucement. Puis, alors que sa petite fille se retourne, elle plante ses yeux dans les siens afin de répondre à sa question.


Elle tend le bras, l'invitant a approcher, avant de prendre tendrement la main qui tiens le pendentif entre les siennes.


Elle lui sourit, doucement. Un sourire encourageant qu'elle aurait voulu offrir à maintes reprises alors qu'elle n'était qu'une enfant. Elle aurait voulu être présente pour Justine, elle aurait voulu la protéger de tout ça. Mais Catherine n'est pas celle qu'elle laisse paraître. Elle n'est pas la descendante d'Isolda. Elle a volé un pouvoir qui la ronge de l’intérieur, qui lui ordonne de le libérer, mais elle refuse. Elle refuse, parce que le moment n'est pas venu.
Le visage de la vieille sorcière se pâlie quelque peu alors qu'elle lâche la main de sa petite fille, prise de vertige. Elle pose sa tête contre le coussin en fermant un peu les yeux et en soufflant.

Dit elle avant de la regarder à nouveau, suppliante, presque triste.

Thème

Justine baisse la tête, comme prise en faute. Catherine a raison. Qu'aurait-elle pu faire du haut de ses petites jambes alors qu'elle apprenait tout juste la vie. Mais elle ne pouvait s'empêcher de voir flotter devant elle les brides de ses souvenirs à l'orphelinat, de sa fuite en compagnie de cet homme qu'elle avait autrefois tendrement aimé. Puis la mort, tout autour d'elle. La noirceur. Remplacé par la joie de vivre de Jane et les baisers de Jonathan, créant celle qu'elle était aujourd'hui. Elle devait garder la tête haute. Du haut de ses vingt six ans, elle était prête à tout. Et elle sentait au plus profond de son coeur l'appel de cette déesse qui leur avait à tous donné la vie avant de mourir sous les crocs des vampires.

La jeune femme répond au sourire de la vielle sorcière, ses yeux brillants légèrement. Elle s'approche. Jusqu'à sentir le souffle de sa grand mère qui se fait soudainement plus difficile. Catherine lute contre la mort qui entoure son corps et se glisse comme une âme sournoise dans la pièce. Elle a vécu tant de vie. Justine la regarde, sentant une larme s'accrocher à ses cils avant d'être libérée pour rouler sur sa joue.

Tu reviendra me voir?
Bien sur que je viendrais te voir. J'ai besoin de toi. Et il est hors de question que je te laisse toute seule dans cette chambre qui pue la mort.

Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, Justine se sent terriblement attachée à la femme devant elle. Comme si le sang qu'elles partagent se réveillait. La sorcière fini pourtant par s'éloigner. Elle devait laisser Catherine se reposer. Mais elle ne l'oublierait pas. Elle reviendrait.

A plus tard Catherine.